
Les histoires
Deux lieux sacrés illustrent parfaitement les sources immédiates du Rite de Memphis Misraïm : l’abbaye Saint Victor de Marseille et Prague. En revenant par Narbonne, Armissan et Bizanet, dans l’Aude.
Un troisième lieu mythique : Ormus en Syrie, où Saint Marc convertit l’égyptien Ormessius, qui fonda les sages de la lumière. Cette légende, reprise par Jacques-Etienne Marconis de Nègre dans le sanctuaire de Memphis, est aussi à la source de la contre-façon moderne du Mythique Prieuré de Sion. Plus sérieusement, Jean Tourniac nous donne une histoire d’Arménie où il est question d’un certain Vardan dont l’emblème est une rose et une croix. Une rose d’or sur croix noire (note de Jean Tourniac).
Au XIV siècle, les descendants des chevaliers Vardaniens se réfugièrent à Venise. Ce sont eux qui introduisirent leur insigne, la Vard-Khatch, dans le saint-Empire Germanique. (Ile Saint-Lazare de Venise-les-Mékitaristes). Or, c’est à Venise qu’un certain rite fût créé.
Le Maître de Cabestany n’est pas une légende. Comme architecte et sculpteur, il a laissé dans la pierre une bande dessinée des Arcana Arcanorum : son chef-d’oeuvre est l’église Sainte Marie du Minervois. C’est une église aux sept piliers dont trois sont cylindriques et quatre polygonaux. La mesure secrète est le pied languedocien d’une valeur de 32cm.Tout s’emboite comme les poupées gigognes. C’est un retour à l’unité primordiale or, il s’agit de l’église de l’Assomption. Ses personnages ont des yeux en amande, des mains démesurées, équivalentes à la hauteur du visage. Il est préoccupé par les anges et le feu vivant.
Marseille, l’abbaye de Saint Victor de Marseille, en face de la maison de Paul Valéry, détient dans ses cryptes les secrets merveilleux de la vie et de la mort. Des dizaines de tombes, de sarcophages ont été mis à jour et trônent à côté de la vierge noire probablement du XIIIème. La plus ancienne attire notre attention. Elle est du deuxième siècle après J.C. L’inscription mentionne que le vénérable Sérapis assure le retour des hommes. Les alchimistes qui ont lu Fulcanelli assurent que la légende des cierges verts de la chandeleur fait allusion au corps lumineux transparent et vert du feu secret. La tradition stipule que les rose+croix d’orient sont présents lors de cette manifestation. L’Ordre de Malte aussi, une des ses antennes, se trouve dans les locaux de l’abbaye.
1942, la rose+croix d’Orient passe à la troisième phase. Elle devient visible grâce aux transmissions de Bogé de Lagrèze à Robert Ambelain.
Dans le sacramentaire du Rose+croix, page 17, Aurifer nous apprend que, selon un document figurant en nos archives privées et qui émane de celui qui transmit cette ordination à Papus, c’est à la Rose+Croix d’Orient que se rattacherait l’ordination particulière conférée par Don Martinez de Pascuallis à ce Réaux+croix, au XVIIIième siècle. Ce mouvement suscita la méthode de la voie intérieure, diffusée par Louis-Claude de Saint-Martin et qui repose sur l’alchimie matérielle, transposée dans le plan spirituel. Après ces deux précisions, contestées à tort par certains historiens. Robert Ambelain ajoute : « Nous pouvons signaler que deux villes étaient particulièrement importantes pour les chevaliers de Saint Jean l’évangéliste : Venise en Italie et Marseille en France. Aujourd’hui encore la crypte de Saint Victor et sa célèbre vierge noire jouent un rôle éminent pour ce qui subsiste de l’Ordre et bien peu de gens s’en doutent. La Vierge noire de Saint Victor, comme d’ailleurs, est la patronne de l’Ordre. »
La vierge noire est la patronne des Templiers. Elle est présente aussi à Notre dame de Marceille, dans l’Aude, où curieusement elle fût profanée, décapitée le 30 Septembre 2007. Ce qui montre l’actualité du combat des fils des ténèbres contre les fils de la Lumière. Sa restauration est en cours au monastère de Cantauc, par des moines orthodoxes issus de l’abbaye de Lagrasse, chassés jadis de Jérusalem.
Ils portaient le manteau noir et blanc à l’intérieur, avec un chrismon rouge sur l’épaule. Dans les chapitres, l’Eques arborait un sautoir et affichait une bijou noir à l’extérieur et blanc contre la poitrine. Cela nous rappelle le beaucéant des templiers et les couleurs que portaient le gonfanon, porte-étendard de la prestigieuse milice. Quant au chrismon rouge, signe secret de la lumière, il est par excellence le signe de passage à l’autre Monde, celui dont parlait le Christ, principe même de la résurrection.
Le rite primitif de Narbonne est, avant tout, une création familiale associant des alchimistes comme Touzay du Chanteau et Clavières, des officiers de l’Ordre de malte, représentés par les membres du chevalier d’Armissan, la famille de Chefdebien. La tombe d’un Chefdebien, non loin de l’abbaye de Fontfroide, face au château de Casteillas à quelques kilomètres de Narbonne, est un obélisque curieusement orienté. Celle du patriarche de la famille, mort un dix sept janvier, fête de la Sainte Roseline, à Bizanet est tout à fait surprenante car elle fait référence à la véritable histoire de Rennes-le-Château. Le frère de l’abbé Saunière, Alfred, fut le précepteur des enfants, mais vite écarté, ayant dérobé des papiers importants.
Lorsque le Marquis de Chefdebien demanda la reconnaissance de son rite au Grand Orient et notamment son chapitre du Grand Rosaire, les actes fondateurs, en un premier temps, firent défaut. L’auteur du Cartulaire de Prouilles, Jean Guiraud, dont le pseudonyme fût Benjamin Fabre, publia en 1913 toute la correspondance dudit Marquis, avec pour titre : « Un Initié des Sociétés secrètes supérieures : Franciscus Eques a Capite Galeato (1753-1814) » et pour préfacier Copin-Albancelli, un anti-maçon primaire.
D’après la notice de France-Spiritualités, le rite primitif fut établi dans une loge fondée le 27 novembre 1779 par le vicomte de Chefdebien d’Aigrefeuille avec ses six fils. La loge et ses quatre chapitres furent définitivement installés le 19 avril 1780. Il était dit dans sa patente de constitution qu’il s’agissait d’un rite “peu connu”, mais d’une origine lointaine dont les anciens frères avaient visité les principaux orients de la Syrie et deux Indes et qu’ils avaient vu de près le grand copte enseveli sous son grand voile noir.
Le Rite primitif eut un grand retentissement dû à l’intense activité de son principal propagateur, le marquis François de Chefdebien d’Armissan (1753-1814). Celui-ci représenta le Directoire Ecossais du Rite rectifié de Septimanie (Montpellier) au convent des Gaules en 1778 et au convent général de la Stricte Observance à Wilhelmsbad en 1782. La loge des Philadelphes fonctionna jusqu’en 1791-1792. En 1805, le marquis de Chefdebien sollicita du Grand Orient des lettres d’agrégation. L’affiliation fut accordée par le Directoire des Rites le 27 septembre 1806, mais le Rite ne tarda pas à s’éteindre.
Jean Guiraud, alias Benjamin Favre, crie au complot. A la page 349 de son livre, il écrit : « Cambacérés a trahi l’Empereur, car, ami des Talleyrand, des Fouché, des Condorcet, des Mirabeau, des Savalettes de Langes, de l’Eques a Capte Galeato » . Fervent adepte de l’Ecossisme, dont les doctrines à la veille de la révolution s’étaient fondues avec celles des philalèthes du Rite Primitif, du Martinisme et de l’illumisme Bavarois, Cambacérés connait le vrai but : substituer les constitutions maçonniques aux constitutions politiques des états, remplacer par les dogmes de la secte, les dogmes de la religion révélée.
En fait, Jean Guiraud est effrayé de ces renaissances successives qui font surface, qui émergent à chaque siècle depuis le catharisme, en passant par les fidèles d’amour et il s’empresse de noircir ces révolutions de la grande Gnose que les inquisiteurs ont appelé hérétiques. Garibaldi, en réunissant Memphis et Misraïm, retrouvera la grande tradition pour un temps.
En 1813, le Marquis de Chefdebien passe à L’Orient Eternel. Les frères Joly et Gabboria ramènent à Paris le corpus égyptien avec son échelle de Naples (Bibliothèque d’Alençon). Les mains invisibles des rose+croix viennent de marquer un nouveau point dans la restauration de l’antique tradition.
Le rédacteur de la philosophie occulte fut un messager de la Renaissance, arrivant au bon moment à la fin du XVème siècle pour éclairer le XVIème siècle naissant.
Né à Cologne en 1486, il fut un grand voyageur. De nature irascible il n’avait pas le temps ou son temps était compté. Ce fut un Rimbaud de l’ésotérisme, une courroie nécessaire au réveil de la Tradition. De ce fait, il se heurta aux plus grands, à l’église comme aux rois.
En 1506, il est professeur d’hébreu à Dole, puis il part à Londres. On le retrouve un peu plus tard à Cologne, étudiant la théologie. Il se dirige alors vers l’Italie où, à Pise, il enseigne cette discipline. Mais c’est à Pavie qu’il se fait remarquer en donnant des cours sur Hermès Trismégiste.
En 1524, il est nommé Docteur à Lyon, après être passé par Genève, Turin et Fribourg.
Sa réputation le fait rentrer chez les grands. Il devient médecin de Louis de Savoie, mais il refuse d’être son astrologue, ce qu’il accorde en revanche au Connétable de Bourbon. Il choisit donc ses rois comme un homme libre, ce qui lui vaut l’hostilité de certains. C’est ainsi qu’il est chassé de France par la princesse Marguerite.
Quelques temps plus tard, il devient l’historiographe de Charles V. Mais ses ennemis se font de plus en plus nombreux, surtout quand il écrit « de la vanité des sciences » .
Il est en prison à Bruxelles. Il sort pour revenir dans son pays natal, vers Lyon et Grenoble où il est une nouvelle fois emprisonné. Il meurt, quelques années plus tard à Grenoble, en 1535, juste après sa sortie. Mais qu’a donc fait ce fondeur de Dieu ?
Cornelius Agrippa a marqué son époque par quatre grands traits de caractère.
Influencé par Marsile Ficin, qui a donné le corpus d’Hermés Trimégiste, il est aussi le fils spirituel de Pic de la Mirandole et de Johannes Reuchlin, tout comme l’admirateur d’Erasme. Il est donc dans le fil d’une certaine tradition. Ce magicien apparaît alors comme un Erasmien de la religion réformée, associant un humanisme de la pré-Réforme à une tentative de fournir une philosophie puissante pour accompagner la réforme évangélique.
Agrippa n’admet que la révélation. On le dit frère de la Rose-Croix. Il le fut sûrement par son œuvre, lui qui proclamait : « l’âme humaine renferme la capacité de transformer les choses et les êtres, d’agir à distance. Tout lui obéit dés lors qu’elle possède l’énergie nécessaire. »
Il remet au goût du jour les idées de Platon. Il est féru de kabbale et il défend les hérésies. Sa liberté impressionne.
Son caractère irascible, qui le conduisit deux fois en prison, et ses attitudes hors du commun dans ses rapports avec les hommes comme avec les animaux montrent un côté panthéiste qui ne devait pas plaire. Ce membre de la confrérie des mages a tout naturellement été taxé d’hérésie, notamment quand il donna congé à son chien noir qui l’avait suivi toute sa vie, lui ôtant un collier plein d’images et de figures magiques.
Mort à 31 ans, Pic de la Mirandole est un Rimbaud avant la lettre, un encyclopédiste avant Diderot, un franc-maçon avant Anderson, un adepte du syncrétisme des Anciens mystères égyptiens, de la kabbale et des oracles chaldéens.
Son savoir cyclopéen, critiqué par Voltaire et Descartes, comme l’idée de convoquer à Rome toutes les élites à disserter sur 900 propositions « sur l’homme » , vont attirer sur lui les foudres de l’église. Il sera taxé d’« hérétique » sur treize de ces propositions.
En 1494, il sera empoisonné par un Médicis, victime d’une trop grande clairvoyance.
Ami des Humanistes et de Marsile Ficin, cet apôtre du néo-platonisme placera « l’homme » comme la merveille première de la création, le miroir obligé de l’Ineffable, comme un philosophe moderne respectueux de la tradition chrétienne, noblesse oblige, car il fût prince de la Concordia.
Son universalisme, dans la deuxième partie de sa vie très courte, fut modifié par suite des turbulences politiques des états italiens, mais il donnera le signe du savoir et celui de la connaissance dans la cité du soleil si chère à Campanella.
Son audace légendaire, deuxième étape nécessaire à la philosophie appliquée, ne permettra pas à Pic de passer à la troisième qualité de l’éternel silence de l’apprenti, compte tenu de sa mort prématurée.
Il existe un vieux rituel qui permet aux officiants de faire apparaître “l’homme Vert”. Il a été utilisé il y a vingt cinq ans dans une affaire qui a défrayé la chronique. Ces hommes sont devenus fous, comme perdus devant la résurrection du grand corps d’Osiris, le Maïtre Hiram égyptien.
Plus connu est le livre de Gustave Meyrinc, “Le golem”. Les Kabbalistes de Prague essayèrent de recommencer l’œuvre de Dieu. Ils créèrent un monstre qui échappa à leur volonté.
A Prague, la ville d’Alchimie, les souffleurs faisaient bon ménage avec les kabbalistes juifs, férus de guématrie, science des nombres par excellence. Le père du marquis François de Chefdebien revint avec l’initiation du chevalier au casque d’or et à la lance d’or, allusion pour partie à ses propres armoiries.
Platon, selon Wynn Wescott, fut initié dans la Grande pyramide devant un autel, un pronaos qui était la Table d’Isis ou Mensa Isiacae, table des lois de l’univers formée de curieux hiéroglyphes non déchiffrés à ce jour.
Selon Plutarque, l’initiation se partageait en deux : Les Petits Mystères et les Grands Mystères, le petit Œuvre et le Grand Œuvre.
Les mystères des Cabires, de Samothrace et d’Eleusis prolongèrent les Mystères d’Isis et d’Osiris. A l’Ibis ou Benou, mangeur de serpents, succéda la Psyché et l’Orphisme, sans oublier le culte de Mithra.
Dans le panthéon égyptien comme dans le panthéon grec, douze dieux régissaient l’Univers comme les douze signes du Zodiaque.
Le culte d’Amon et la Table d’Emeraude furent le fondement du Dieu unique et de la science sacrée de l’Alchimie avec trois grands axes : l’Unité, la Mort, la Résurrection. Le Christianisme était déjà écrit sous une autre forme, adaptée au temps et aux pays.
Plutarque écrivait que : « mourir, c’est être initié aux Grands Mystères » avec au préalable les purifications nécessaires par l’eau salée de la mer, le culte de l‘épi de blé et du sang, bref du « sacrum facere » ou du sacrifice.
Contrairement à ce qu’affirmait l’historien Dupuis, le culte du Soleil n’était pas l’idolâtrie de cet astre mais il convergeait vers le créateur du Soleil, de la lune et des Astres. Un collège de prêtres, dirigé par un grand hiérophante, avait pour rôle d’assurer la transmission, d’organiser le monde et de montrer l’axe suprême.
Les frères Arvales, organisés en confrérie, reprendront les idées des compagnons de la Shibboleth (épi de blé), nourriture suprême de Demeter.
Les petits Mystères avaient un rôle social, les grands Mystères un rôle philosophique concernant l’état de l’homme et sa destinée. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
En revanche, le savant français Louis Boutard, se basant sur le Verbe, mettra en évidence une monade éternelle des Grands Mystères qui représentait « l’époptie » ou contemplation par des appareils sacrés .
En 1522, la table d’Isis est découverte à Rome et se trouve rapidement entre les mains du cardinal Bembo, futur pape. Giudicelli Cressac de la Bachellerie nous parle de la voie des substances. Win Wescott, nous dit que Platon fut initié sur cette table.
Un savant moderne, Louis Boutard, reconstitue les appareils sacrés des égyptiens grâce à son interprétation (Note table d’Isis). Les entités immortelles sénestrogyre et dextrogyres sont découvertes, comme les briques fondamentales de la Vie. Un champ électromagnétique vivant est mis en pleine lumière, que Louis Boutard nomme l’Aether créateur. Il meurt en 1958 et ses travaux ne seront pas reconnus bien qu’il fût aidé par les plus grands savants comme Louis de Broglie, par des militaires, comme le capitaine Morin, par de grands hommes politiques, comme François Mitterand et le Général de Gaulle.
L’heure n’était pas encore venue, comme dirait Shakespeare.
Le Comte Pierre Vincenti Da Piobetta est l’un des artisans de la rénovation de l’occultisme du vingtième siècle et une légende au sens de légenda : « ce qui doit être lu » .
Sa classification des sciences anciennes (Alchimie, Astrologie, Magie, Mythologie et Symbolisme), l’esprit qu’il développe et retrouve dans ces paradigmes anciens, réhabilitent l’Art d’Hermès et le réactualisent dans notre modernité.
Deux de ses livres ont été réimprimés à savoir : « La clef universelle des sciences secrètes » et le « Formulaire de haute magie » . Il en manque deux : « l’Evolution de l’Occultisme » et « l’Année occultiste et psychique » .
Piobb sait lire Nostradamus, redonne à l’alchimie toute sa noblesse en l’adaptant à la modernité, sans oublier sa logique ancienne d’un paradigme particulier. Il resitue l’homme dans le cadre de l’astrologie (lire à ce sujet l’étude de François Trojani, l’un de ses admirateurs). A ce point précis, il entre dans l’histoire comme Martines de Pascualis, Pic de la Mirandole, Cornélius Agrippa et Paracelse.
Piobb et ses mystères sont légion, notamment l’annonce de la mort de Chacornac et celle de Papus, qu’il n’avait pas en très grande considération.
Piobb et son influence auprès des grands, Piobb le grand pédagogue avec ses cours sur les sciences anciennes et enfin Piobb et sa théorie du Moment Cosmique, où l’initié fait partie intégrante de La Présence, si chère à l’italien Juliano Kremmertz, font de l’auteur du « Sort de l’Europe » , l’un des plus grands voyants dans la lignée d’Arthur Rimbaud.
Mais qui est donc Martinès de Pasqually ? Un mythe ? Une ombre, un ancien militaire, un métèque, un sucrier, un espagnol, un portugais, un grenoblois, un philosophe per ignem, un mage, un prophète, un météore, une double entité, un personnage de légende, un réformateur, un précurseur, un petit homme à la chevelure noire, sur qui bien des portraits se sont greffés, passant inaperçu dans ce dix huitième siècle naissant. Né il y a presque de trois cent ans, mort on ne sait quand à Saint Domingue, à la fois juif et chrétien, de confession marrane, grand voyageur semant comme un nouveau messie une nouvelle bible : le testament d’or de la réintégration. Une nouvelle série d’apôtres, les Elus-Cohens, un nouvel Ordre du même nom, une nouvelle méthode : la Théurgie avec son cortège, son registre de 2400 noms qui nous conduisent au Saint des Saints qu’il nomme la Chose ; par des « passes » ou glyphes lumineux qui surgissent ex nihilo du grand Aether des Dieux.
Un colloque fut organisé aux dates des 18 et 19 septembre 2010. Dans l’invitation, il était précisé : « pour le tricentenaire supposé de la naissance de Martinès de Pasqually. Sa mort l’identifie au Christ. » Il écrit en effet le 3 août 1774 à son disciple Willermoz : « Je suis avec la fièvre au moment que je vous écris cette lettre d’avis, occasionnée par deux gros clous, un au bras gauche et l’autre à la jambe droite. Je n’écris à personne ne le pouvant absolument. »
Le même disciple, qui sera le fondateur du Rite écossais rectifié, dira de Martinès dans une lettre à Turkeim : « Cet homme extraordinaire auquel je n’ai connu de second. » Son secrétaire, Louis-Claude de Saint-Martin, simplifiera par la voix cardiaque la cosmogonie du Maitre en créant le Martinisme, celui que nous connaissons aujourd’hui et que nous pratiquons dans cette loge. René Guenon, comme Willermoz, parleront de : « l’énigme Martinès de Pasqually » , de la possibilité d’une transmission ésotérique intra ou extra-familiale, comme il en fut pour le Rite primitif de Narbonne dans la famille Chefdebien.
En effet, les lettres patentes maçonniques accordées à son père en 1738, qui le mentionnent lui-même, suscitent une interrogation légitime sur une tradition familiale, un christianisme singulier qui fera dire à Robert Amadou que Martinès appartenait à une catégorie très particulière et très archaïque du christianisme que l’on aurait pu croire disparue depuis plus de mille ans : « le judéo-christianisme ». En fait, le Traité de la Réintégration, comme les écritures magiques du registre des 2400 noms, font penser au christianisme primitif, reconstitué par ses bons soins, avec une référence aux oracles de Chaldée et à la tradition de la grande gnose et de l’angélologie.
« Je ne suis qu’un faible instrument dont Dieu veut bien, indigne que je suis, de servir pour rappeler les hommes mes semblables à leur premier état de maçon, afin de leur faire voir véritablement qu’ils sont réellement Hommes-Dieu, étant créés à l’image et à la ressemblance de cet Etre tout-puissant. » Tout le programme de Martinès est inscrit ci-dessus : il s’agit de réintégrer les êtres dans leur état primordial et il y a plusieurs façons de le faire. Martinès prépare Saint-Martin comme il annonce Willermoz. Quant à lui, il suit la voie gnostique d’un savoir opératif.
Martinès est un homme de la renaissance spirituelle comme L.C. de Saint-Martin. Martinès est celui qui se souvient des cieux, pour paraphraser Lamartine, il en connait le chemin. Il prie, il demande à Dieu de lui restituer son pouvoir primitif sur les esprits, puis il commande aux esprits bons et exorcise les mauvais.
Martinès, dans son traité, nous parle de plusieurs chutes répétitives quant à l’origine du Mal. Il affirme qu’il est enfanté par l’esprit mais qu’il n’est pas du ressort de la création. La Matière n’est qu’une grande illusion, une Maya, qui a pour objet et pour but de contenir les esprits mauvais. Rappelons que Martinès et Saint-Martin se sont rencontrés à Foix, dans le pays cathare, ceci expliquant cela.
Martinès est un alchimiste. Il explique les trois opérations du Christ, lors de ses trois derniers jours : en effaçant l’action des démons, il a opéré un retour à l’état originel.
Martinès est un visionnaire et un prophète. Saul, Benjamin, Pythonisse sont le type de toute l’histoire passée et prédisent toute l’histoire future. Saul parce qu’il a fait périr les Gabaonites, peuple qui s’était réconcilié avec l’éternel, Benjamin parce qu’il s’est allié avec la tribu du Mal et de l’esprit criminel, Pythonisse pour n’avoir pas écouté l’intermédiaire et la voie de l’ineffable.
Enfin, Martinès est un homme moderne qui prévoit la grande réconciliation car il situe l’homme au cœur du centre, comme investi de pouvoirs immenses qui lui donnent l’autorité nécessaire au grand retour aux sources. Il rétablit, pour ce faire, le royaume des essences au détriment du concept de l’existence. Ses rituels, son ordre des chevaliers Elus-Cohens, ses textes, sa cosmogonie sont là pour le prouver. Ses « apôtres », comme Louis-Claude de Saint-Martin et Willermoz ont poursuivi le Grand Œuvre avec la complicité de Jacob Boehme et de son aurore Naissante.
En 2010, s’est tenu un colloque sur ce personnage hors du commun. Au menu des travaux, notamment sur les éléments biographiques, il a été traité de l’illuminisme, de la franc-maçonnerie au temps de Martinès, de l’ordre des Elus-Cohens, de Martinès à l’œuvre dans la Chose, du judéo-christianisme, de la genèse, du Rite Ecossais Rectifié, du sacerdoce primitif et du sacerdoce des baptisés. En conclusion, du message qu’apporte Martinès pour notre temps.